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[Kolaps]

"Pfft": "bonne nuit" dans la "langue" des orangs-outans.

PARIS (AFP)
Avant de se coucher, les orangs-outans de certaines régions de Bornéo et de Sumatra émettent chaque fois un petit son "pfft", comme s'ils voulaient se souhaiter "bonne nuit", révèle un groupe de primatologues internationaux dans un article publié vendredi par la revue Science.

Anecdotique en apparence, cette habitude n'en est pas moins, aux yeux de l'Américain Carel van Schaik, de l'Université Duke à Durham (Caroline du Nord), et de ses collègues, une preuve importante de la transmission sociale de comportements et de véritables variations culturelles régionales chez ces grands singes roux d'Asie.

Le "pfft" est propre aux singes de la région de Kinabatangan (nord de Bornéo) et de Suaq Balimbing (nord de Sumatra). Il y a cependant une nuance : sur le premier site, où les recherches sont dirigées par un Français, Marc Ancrenaz, les orangs-outans émettent ce son juste avant d'entamer la construction de leur nid, alors que leurs cousins de Sumatra le font lors de l'achèvement de leur besogne.

En observant en tout six groupes d'orangs-outans sauvages - quatre dans différentes régions de Bornéo et deux sur des sites voisins de Sumatra - les scientifiques ont répertorié 24 types de comportement ou d'utilisation d'outils, habituels, fréquents ou tout au moins présents à des degrés divers, plus douze autres manières d'agir qui semblent rares en l'état actuel des connaissances.

Parmi eux figurent le sifflement dans des "trompettes" en feuille ou dans une poignée appuyée sur les lèvres pour amplifier le son, la fabrication d'abris au-dessus de leurs nids en guise de parapluie ou de parasol, l'utilisation de "gants" en feuille pour manipuler des fruits épineux, la capture de loris (petits primates) pour les dévorer.

Ils ont recours aux branches feuillues en guise de "chasse-guêpes", utilisent des brindilles pour extraire des insectes de trous d'arbres et des graines de fruits (curieusement, ils tiennent alors leur outil dans la bouche), emploient des bâtons à des fins très variées, y compris pour se gratter ou se masturber...

Pour Carel van Schaik et ses collègues, ces pratiques issues d'un apprentissage social sont comparables à ce qui est observé, en Afrique, chez les chimpanzés. L'existence d'une "culture matérielle" également chez les orangs-outans, expliquent les scientifiques, fait remonter l'origine de la culture humaine jusqu'à 14 millions d'années, date de la divergence entre les ancêtres des grands singes asiatiques et la lignée des hominoïdes africains qui a donné naissance aux chimpanzés, bonobos, gorilles et humains.

Ces observations montrent à quel point les orangs-outans sont longtemps restés une espèce mal connue. On continue d'ailleurs à les présenter généralement comme des animaux solitaires, alors qu'ils forment en réalité des groupes sociaux, certes très lâches, mais structurés, sans lesquels toute transmission de savoirs collectifs serait évidemment impossible.