faits insolites (1039)

[Kolaps]

Une histoire d'intolérence... Musicien en prison !

Le juge d'instruction auprès du tribunal de première instance de Casablanca-Anfa devait statuer, hier dans l'après midi, sur l'affaire des quatorze jeunes Casablancais accusés de pratiquer "un culte satanique". Une séance très attendue, après les deux reports de la semaine dernière dans cette affaire qui suscite des échos retentissants, voire des critiques.
Ce groupe de jeunes, dont une majorité de lycéens et d'étudiants, ont été interpellés chez eux par une brigade spéciale de police, le dimanche 16 février, apparemment, sans motif clair, mais pour leur mode vestimentaire et look. Du coup, ces passionnés du hard rock se sont retrouvés au milieu d'une affaire judiciaire qui a pris une grande proportion. Ils sont taxés d'adeptes d'une de ces sectes obscurantistes se désignant sous le nom d'"Adorateurs de Satan".

Comme preuve d'appui à leur dossier, les policiers ayant procédé à l'exécution du mandat d'arrestation ont saisi des CD de musique, des tee-shirts et des pantalons noirs, des guitares, des affiches et des accessoires (pendentifs et autres). Ce serait là des preuves ? ! Mais de quoi, si ce n'est de la passion que cultivent ces jeunes depuis bien longtemps pour ce genre de musique. Ils sont, d'ailleurs, membres de groupes hard ("Nekros", "Reborn", "Infected Brain", "Killer Zone") qui se sont produits, et avec l'autorisation des autorités publiques, dans des salles archicombles, pour le plaisir de leur public et dans le cadre de campagnes de bienfaisance.

Des jeunes qui ne s'attendaient certainement pas à sortir de chez eux ce dimanche-là, menottes aux poignets, auraient enfreint les bonnes moeurs. Le ministère public les poursuit sur la base de l'article 220 du code pénal qui prévoit l'emprisonnement à quiconque ébranle la foi d'un musulman ou tente de le convertir à une autre religion. Les amateurs du hard auraient également porté atteinte aux libertés publiques et encouraient pour cela une peine de prison de six mois à trois ans.

Pour les avocats des jeunes, le dossier est, en tout cas, en l'état actuel, entièrement vide, puisque, toujours selon la même source, aucune donnée ni fait matériel ne sont venus étayer un acte d'accusation aussi grave. Ces avocats estiment infondées les pièces saisies dans le domicile des jeunes qui n'ont rien d'objets prohibés par la loi ou compromettants de quelque façon qu'il soit. Selon eux, ces jeunes ne devaient être arrêtés que s'ils étaient pris en flagrant délit, alors que la situation ne se présente pas ainsi. L'objet ou le motif de l'interpellation est donc nul, juridiquement parlant, et les jeunes n'auraient pas dû être présentés à la justice en état d'arrestation mais en liberté provisoire, soulignent-ils. Ils ajoutent que parmi ces jeunes, certains ne savent même pas ce qu'est le culte satanique et sont dans la confusion la plus totale, comme c'est le cas aussi pour leurs parents qui s'attendaient, hier, à ce que leurs enfants soient enfin relâchés et que cette histoire absurde devienne un mauvais souvenir.